une histoire d'amour
Il ne savait pas quoi prendre. Il hésitait entre le dernier Jonathan Kellerman et un magazine sur les voyages dont la couverture offrait une vue impressionnante de fjords norvégiens. Il fallait que ça lui fasse tout le vol car il savait qu’il n’allait pas dormir. Il détestait les vols de nuit mais il n’avait pas pu avoir de places ailleurs dans un délai aussi court.
- On n'aura pas assez pour payer maintenant... Tu pourrais faire attention.
- On paiera avec la carte
- Pour des chips et un soda ?
- Écoute, je ne retrouve pas cet argent alors ou bien on paie avec la carte ou bien on ne prend rien ! Que veux-tu que je te dise ?
Paul leurs tendit un billet de cinq. Ils se retournèrent et le regardèrent comme s'il avait mis une main aux fesses de la femme (ou de l'homme).
- Cela m'est déjà arrivé, dit-il en français, et quelqu'un m'a donné un billet alors je me suis toujours dit que je ferais pareil. Si vous prenez le vol transatlantique, je comprends que vous ayez besoin de ça.
- Eh bien merci monsieur, répondit l'homme en prenant le billet et en se retournant vers la caisse car c'était son tour.
Quand on lui avait tendu le billet, Paul avait quand même d'abord refusé. Après avoir payé, les Français empochèrent la monnaie et, laissant la place à leur bienfaiteur, lui adressèrent un sourire rapide et partirent sans un mot. Paul en sourit et s'approcha de la caisse. La jeune femme lui prit les articles qu'il lui tendait en lui disant bonsoir. Il répondit et ressortit son portefeuille. Il en avait pour quatorze dollars et quelques. En sortant les billets, il se rendit compte qu'il lui en manquait quatre pour pouvoir payer.
- Je suis désolé, dit-il, je croyais qu'il me restait plus. Vous prenez la visa ?
- Euh la machine est en panne, c'est écrit là.
Il la regarda vraiment pour la première fois. Elle était indienne ou d'un pays où les hommes et les femmes ont la couleur du miel.
- Dans ce cas, je crois que je vais me passer du Kellerman.
- C'est dommage pour vous, répondit-elle, c'est l'un de ses meilleurs.
- Vous l'avez lu ?
- Je les lis tous. Si vous n'aviez pas donné cet argent aux Français, vous pourriez vous l'offrir.
- Ma générosité me perdra.
- Attendez.
La jeune femme se pencha sous son comptoir et se releva en tendant un livre à Paul.
- C'est le Kellerman. Je vous le donne.
- Merci mais je ne peux pas accepter.
- Votre générosité vous récompense, dit-elle.
Paul prit le livre en souriant.
- Je vous le rapporte à ma prochaine visite..
- Vous passez souvent par JFK ?
- Au moins une fois par semaine.
- Alors on se reverra.
Il paya ce qu'il devait, remercia encore la jeune femme et se dirigea vers la porte d'embarquement de son vol. Il remarqua le couple de Français qui faisaient déjà la queue pour passer la porte alors que le personnel n'avait pas encore commencé d'appeler les groupes. Il s'assit et commença à lire le Kellerman.