une histoire d'amour
Chapitre III
Paul revint à New-York moins d'une semaine plus tard. Comme l'avion n'atterrit pas au terminal habituel, il n'eut pas l'occasion de passer par la boutique pour rendre le livre. Mais il nota d'en acheter un autre. Pour la remercier. Il n'avait pas vraiment pensé à elle pendant ces quelques jours. Sauf au moment de faire ses bagages. Il avait voulu emmener le Kellerman pour le lui rendre. Il l'avait cherché partout dans sa chambre d'hôtel mais en vain. Il avait pensé le lui racheter, puis s'était dit qu'il le ferait à l'aéroport mais il avait oublié. A présent il n'avait rien pour elle et n'était pas dans le bon terminal. Il verrait ça à son retour.
Le taxi l'emmena directement à son bureau situé au pied de Washington Square. Le bâtiment dont son associé et lui occupaient tout un étage n'appartenait pas à l'Université de New-York, comme certains autres autour de la place, mais à un vieil excentrique nommé Jo Schauer, devenu depuis un bon client de Paul. Aussi un ami. Paul salua Lynne, l'assistante de son associé et se rendit directement à son bureau pour y déposer ses affaires. Armand vint le rejoindre alors qu'il allumait son ordinateur.
- Tu es venu directement ?
- Oui. J'ai rendez-vous avec Miccoli. Il veut qu'on lui trouve un Reinhardt.
- Encore ? Pas facile à trouver.
- J'ai une piste. Un collectionneur français mort l'année dernière. La famille est en négociation avec l'Etat pour la succession. La dation avait été envisagée mais finalement l'option de la vente s'avère plus intéressante pour les héritiers...
- Toujours dans les bons coups toi.
Paul prit une douche et se changea avant de retrouver son client pour un déjeuner tardif. Le restaurant appartenait à Gennaro Miccoli qui en possédait trois autres à Manhattan. Miccoli était le petit-fils d'un émigré italien débarqué comme tant d'autres de son Ombrie natale au début du vingtième siècle. Il devait sa fortune à son père qui après avoir repris le commerce de bouche du vieux, eut l'idée d'ouvrir d'autres épiceries "typiquement" italiennes, proposant des produits de grande qualité à une clientèle fortunée. Les restaurants finirent d'assurer une assise financière certaine à la famille Miccoli. L'homme faisait bien ses soixante dix ans. Il attendait Paul, assis au bar devant ce qui semblait être un White Russian. Dès qu'il le vit, Miccoli lui offrit son large sourire et le prit dans ses bras.
- Comment fut le voyage ? demanda t-il.
- Aussi tranquille que d'habitude.
- Moi je déteste ça prendre l'avion. Même en première.
Ils s'installèrent dans un salon privé ordinairement réservé aux meilleurs clients. Miccoli commanda son plat favori : escalopes de porc de Norcia.
- La viande arrive directement de là-bas. Comme le chef.
Paul le savait puisqu'il le lui disait à chaque fois qu'ils mangeaient ensemble.
- Tu sais, dit Miccoli, j'ai vraiment envie de goûter à ton risotto.
- J'ai peur que tu sois déçu.
- Je te le dirai si ce n'est pas à la hauteur de mes attentes.
- Bien. De toutes façons ce que tu attends de moi c'est que je te trouve un Ad Reinhardt, non ?
- Exactement. J'en rêve la nuit.
- Alors je vais peut-être pouvoir faire en sorte que ton rêve devienne réalité. C'est mieux qu'un risotto, non ?