une histoire d'amour
Chapitre IV
Anandita avait été insultée trois fois (dont une fois dans une langue qu'elle ne comprenait pas), draguée deux fois (mais par des hommes tellement plus âgés qu'elle qu'ils avaient dû voter pour - ou contre - Richard Nixon) et elle désespérait de voir sa journée de travail s'achever aussi lentement. Dans deux heures elle pourrait enfin tirer le rideau de métal. Elle le vit arriver de loin et le reconnut aussitôt. Elle n'avait pas vraiment fait attention à sa peau mate la première fois qu'elle l'avait vu. Il ne ressemblait pas à un américain ou à un français mais plutôt à un italien ou à un espagnol. Elle n'était jamais allé en Europe. Elle espéra qu'il allait passer par la boutique.
Il s'approcha de la caisse derrière laquelle elle se tenait et lui sourit. Il tenait dans la main deux livres dont un qu'elle connaissait.
- Bonjour, dit-il. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais vous m'avez prêté un livre de Jonathan Kellerman il y a une dizaine de jours et je tenais à vous le rendre.
- Je me souviens, oui. Je ne pensais pas que vous viendriez pour ça.
- Je passe souvent par ici et puis c'est votre livre, fit-il en lui donnant le Kellerman. En fait je pensais l'avoir perdu mais je l'ai retrouvé au fond de mon sac. Grâce à vous et à Jonathan Kellerman le voyage m'a paru moins long alors je voulais vous en offrir un autre.
Il tendit le second livre.
- Oui. J’espère que vous ne l’avez pas déjà lu. Vous êtes entourée de livres ici, fit-il en montrant de la main les piles de bouquins qui entouraient la caisse.
Anandita regarda le livre.
- Savages. Don Winslow. Je ne l’ai pas lu. Mais vous n’auriez pas dû. Je ne sais pas quoi dire. Merci.
- Eh bien j’ai droit à une pause. Je peux la prendre maintenant mais à cette heure-là je ne vais pas boire de café.
Elle fit signe à sa collègue de la remplacer à la caisse et rejoignit Paul.
- On peut allez au Soho Bistro juste à côté, dit-elle, ils sont sympas.
Paul la suivit, il connaissait aussi l'endroit, on y servait de bons cheeseburgers. Anandita salua une femme nommée Nishelle, puisqu'on le lisait sur le badge qu'elle portait sur son chemisier bleu marine, et s'installa à une table sans attendre qu'on les place, comme cela est l'usage. Paul s'assit en face d'elle.
- Alors pas de café ?
- Non, c'est trop tard pour moi.
- Vous travaillez jusqu'à quelle heure ?
- Jusqu'à la fermeture du magasin, vingt-deux heures. Et vous, vous faîtes quoi dans la vie. J'avoue que je me suis posé la question, si vous prenez l'avion si souvent...
- Je suis marchand d'art.
- Moi aussi, fit-elle, puisque je vends des livres. Entre autres choses.
- Et ça vous plaît.
- J’aime bien l’ambiance de l’aéroport mais j’aimerais faire autre chose. Ça fait presque trois ans que je suis ici.
- Et qu’est-ce que vous voudriez faire ?
- Si seulement je le savais, soupira t-elle.
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