dimanche 18 septembre 2011


RENDEZ-VOUS PORTE 42
une histoire d'amour



Chapitre XIII


Paul attendait Anandita près de la porte 42 de l'aéroport John Fitzgerald Kennedy. Le personnel d'American Airlines s'agitait derrière le comptoir, signifiant aux passagers en attente que l'embarquement n'allait plus tarder. Certains se tenaient déjà debout, face à la porte, le boarding pass dans une main, une carte d'accès prioritaire dans l'autre. Il ignorait si elle allait finalement venir. Il lui avait peu parlé depuis une semaine, quelques minutes par téléphone, quelques SMS. Impossible de la voir. Malgré tout il espérait encore qu'elle serait là, dans un instant pour embarquer avec lui. A son tour il se leva. On allait appeler les passagers voyageant en première. Il en faisait partie.

- Je veux bien les rencontrer tes parents.
- Je préfère pas.
- Pourquoi ?
- Ils ne peuvent pas comprendre.
- Mais toi, qu'est-ce que tu veux ?
Elle n'avait pas répondu. Et ne pas répondre était une réponse qu'il n'aimait pas.

Les premiers à embarquer sont toujours les plus riches, du moins ceux qui ont les billets les plus chers, les sièges les plus confortables, les menus les plus appétissants et les coupes de champagne. Paul laissa passer son tour. Il voulait attendre le dernier moment, au cas où. Il voulait attendre jusqu'à entendre la voix lancer le dernier appel pour l'embarquement du vol AA pour Paris.

Le groupe cinq venait d'être appelé. Il alternait les coups d'oeil sur la porte d'embarquement et sur le couloir. Il se disait que finalement il n'allait pas partir. L'instant suivant il se disait exactement le contraire. Son sac de voyage devait être en train de passer du tarmac à la soute. Il s'en foutait.

Se tenir dans les bras l'un de l'autre, respirer sa peau, se mélanger. Paul revoyait Anandita, le premier soir qu'il l'avait embrassé, sur le trottoir de la 5ème avenue. Il pouvait encore entendre le murmure de sa voix juste après, sentir son parfum, le vent qui soulevait ses cheveux. Il voyait son sourire, il entendait son rire. il ne voyait rien d'autre.

- Monsieur ? Monsieur ?
Paul se retourna vers le grand type au costume sombre qui se tenait de l'autre côté du comptoir, juste à côté de la porte. Tous les passagers étaient passés.
- Vous prenez cet avion ?
Il lui sourit.
- Je ne sais pas, répondit-il.
- Vous êtes Paul Telher ?
Il fit signe que oui. Au même moment une voix annonça son nom et celui d'Anandita, leurs demandant de rejoindre au plus vite la porte 42 car l'embarquement allait se terminer.
- Vous devez embarquer Monsieur. Maintenant.
- J'attends quelqu'un.
- Je vais fermer la porte. Plus d'embarquement possible.
- Une minute encore s'il vous plaît.
- Si vous embarquez maintenant, c'est bon.
- Vous êtes amoureux de quelqu'un en ce moment ? demanda Paul au type d'American Airlines.
- Quoi ?
Paul s'approcha de lui et dit : "Amoureux. Vous êtes amoureux de quelqu'un en ce moment ? Parce que moi, je le suis et justement j'attends qu'elle arrive alors si on pouvait..."
- Moi je veux bien mais les passagers qui sont dans l'avion et la compagnie ne sont pas du même avis...
Il glissa la main dans la poche de son jean et en ressortit un ticket de cinéma. Ils étaient allés voir le dernier Amberton Parker. Lui n'avait pas telle aimé mais Anandita avait adoré. Elle adorait cet acteur. Si elle savait.
- Monsieur, il faut vous décider, c'est votre dernière chance de prendre cet avion...
Paul se tourna à nouveau vers le grand type d'American Airlines et lui sourit, acceptant sa défaite. Il entendit son prénom hurlé. Plusieurs fois.
- Paul, Paul...
Il recula pour voir d'où venait la voix qui l'appelait.
- Monsieur, Monsieur, je considère que vous n'embarquez pas.
- Une seconde s'il vous plaît, une seule seconde.
Il regarda et vit au loin quelqu'un courir vers lui, dépassant Brookstone puis le Soho Bistro. Il la reconnut. C'était Anandita.
- Elle est là. Elle arrive. On va embarquer, dit-il au type de la compagnie. Vous voyez, on va embarquer.
- Vous êtes sûr ?
Elle se jeta dans ses bras. L'embrassa.
- Dis-moi que tu viens avec moi... Dis-le moi. Tu viens ?
- Oui. Oui. Je viens avec toi.
Paul la prit par la main et ils se dirigèrent vers la porte d'embarquement. La porte 42.

lundi 5 septembre 2011

RENDEZ-VOUS PORTE 42

une histoire d'amour



Chapitre XII


Quand il lui avait demandé de venir avec lui à Paris, elle s'était jetée dans ses bras. Ensuite il avait fallu refaire son passeport et convaincre ses parents qu'elle était libre de faire ce qu'elle voulait (il n'avait pas participé à cette partie-là). Tout allait bien et le voyage approchait sauf que depuis plusieurs jours, elle avait un comportement différent. Il le sentait. Rien dans le discours ne semblait avoir changé mais tout dans le comportement indiquait le contraire. Paul l'attendait devant un Duane Reade près de la New York Public Library sur le 5ème. Il arriva en avance comme à son habitude et attendit en regardant passer les gens, spectacle jamais interrompu.
- Tu m'as donné rendez-vous devant une pharmacie parce que je te rends malade, c'est ça ? lui dit-elle dans un sourire juste avant de l'embrasser.
Il ne répondit pas. Pas tout de suite.
- On va se balader dans Central Park ? lui proposa t-il.
- D'accord, ça me fera du bien de marcher sous les arbres.
Ils avançaient en silence, regardant les coureurs à pied, les marcheurs, les autres promeneurs.
- J'ai quelque chose à te dire... pas drôle...
La voix d'Anandita se fit plus faible en prononçant ces mots.
- Et ? Je t'écoute.
- Je ne peux pas venir avec toi à Paris.
Elle se tourna vers lui et leva la tête.
- Je suis vraiment désolée. J'aurais tellement voulu y aller.
- Mais pourquoi ne peux-tu pas venir ?
- C'est assez compliqué à expliquer. Donc à comprendre.
- J'ai la compréhension très large, dit Paul.
- Mes parents font pression sur moi pour que me marier et ils ont déjà un candidat idéal pour ça. Je fatigue aussi avec mon boulot. Toi qui arrive dans ma vie et ce n'était pas prévu. Je ne regrette rien , ne crois pas ça... Mais je me sens comme dans un étau, comme si la mâchoire d'acier arrivait à grande vitesse. J'ai besoin de réfléchir à tout ça, j'ai besoin de temps, de m'isoler. Tu comprends ?